Shunga ou « images de printemps »
Le terme Shunga, « images de printemps », rassemble dans un sens large l’ensemble de l’imagerie érotique incluant les livres, les rouleaux et les estampes. Elle peut aussi être désignée par les termes de makura-e, « images sous l’oreiller » ou par warai-e, « images pour rire ».
Dans un sens plus usuel, les Shunga se présentent sous forme d’estampes réalisées par xylographie (gravure sur bois), technique existant au Japon depuis le VIII ème siècle. La production de Shunga se développa du XVIIe au XIXe siècle au Japon, principalement sous la période Edo (1615-1867). Edo n’a alors pas seulement une valeur temporelle, elle représente une capitale dans laquelle se développe un quartier des plaisirs, Yoshiwara qui permet d’échapper momentanément à une société d’une grande rigueur et très hiérarchisée.
C’est ce quartier des « maisons vertes » qui inspire en partie les artistes d’estampes érotiques, support d’évasion grâce aux représentations charnelles subjectives et l’humour très présent.
Les premières shunga apparurent sous forme de livre à Kyoto à la fin des années 1650, et le premier livre érotique signé, en 1672 par Hishikawa Moronobu le premier maître transcendant de l’ukiyo-e, « images du monde flottant », « de la peinture du monde qui passe » dont le but est de satisfaire les plaisirs, de boire et de se divertir.
Les images représentent des scènes d’amour de la vie quotidienne entre courtisanes et leurs clients, couples jeunes et vieux, domestiques, couples mariés bourgeois ou aristocrates, animaux, dont l’intérêt est de mettre en exergue les organes génitaux. Ainsi, l’artiste fait ressortir les parties intimes en jouant avec le décor : les rideaux, les pagnes ou les jupons, qui mettent en valeur les corps nus et blancs par leurs motifs, mais aussi par le relief d’un noir profond créé par les contours du corps ou des organes sexuels résultant de la gravure.
Les scénarios consistent souvent à du voyeurisme par des adultes ou enfants, voir des animaux qui réagissent physiologiquement à la vue de l’acte sexuel, imitant parfois les humains, ou par nous-mêmes, propre spectateur ressentis comme voyeur lorsque par exemple la femme semble nous fixer lors d’une étreinte charnelle par provocation ou pour invitation. (cf estampe 120)
Il peut aussi s’agir de scènes de viol en groupe ou par un homme seul, le violeur pouvant être identifié par sa laideur certaine et sa grande pilosité, il est alors souvent de classe inférieure. L’ensemble de ces scénarios concernent majoritairement les hétérosexuels, couples, un homme avec plusieurs femmes, plus rarement une femme avec deux hommes. Toutefois, il existe aussi des scènes homosexuelles entre hommes ou entre femmes qui sont beaucoup plus rares. Les scènes érotiques masculines, se généralisent sous la période Edo, durant laquelle les représentations désignent des hommes avec une différence d’âge certaine. Ainsi, le jeune homme pas encore adulte devait être passif (wakashu) et se soumettre à son ainé (nenja). Quant aux femmes, elles utilisent des substituts au phallus par l’emploi de godemichés (harikata), par exemple en ceinture (cf estampe 123).
Les estampes érotiques n’étaient pas signées au nom des artistes mais par un pseudonyme en raison de la censure exercée sous la période Edo et Meiji, sauf à la fin du XVII e siècle, lorsque la censure est moins importante. A la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la production de shunga fut très importante sous toutes ses formes. Cependant, peu d’œuvres ont résisté au temps. Les formats des shunga varièrent en fonction des époques selon les faveurs des éditeurs et des artistes. La demande de production de shunga semble constante au fil du temps malgré les différentes évolutions, noir et blanc (Sumizuri-e), couleur, différents formats ou supports et se trouve alimentée particulièrement par la classe extrêmement aisée des chonin (principalement des marchands) et reste liée à l’environnement urbain.
De nos jours, les shunga restent un sujet tabou au Japon, et demeurent interdites d’exportation vers le Pays du soleil levant.