Ruyi
Le sceptre « ruyi » (如意) est un objet intrigant pour l’œil occidental. Il s’agit d’un objet de lettré qui – depuis la dynastie Qing – a servi comme cadeau de bon augure. Aujourd’hui, peu de gens savent que cet objet de forme inhabituelle fut longtemps considéré comme symbole de souveraineté vieux de plus de 3000 ans.
Son histoire remonte jusqu’au temps de la dynastie des Shang (1766-1122 av J.C), on y trouve des haches en pierre ou en jade alors appelés « hu » (护, en chinois « protéger ») qui permet au souverain d’affirmer son autorité. Ce genre de « bâton de chef » existe pratiquement dans toutes les civilisations néolithiques et sociétés primitives du monde. Sous les dynasties suivantes, l’objet évolue petit à petit et prend une forme d’une tablette plus allongée et légèrement courbée, elle est fabriquée en bambou, bois ou ivoire de différentes tailles et sert à distinguer les rangs à la cour impériale : empereur, duc, marquis et comte.
Pendant l’audience avec l’empereur, le fonctionnaire, lettré ou aristocrate qui tenait la tablette avait le « droit de parler ». Ces tablettes prennent donc la fonction de symbole social pour indiquer le fait que la personne avait accès à l’empereur. Avec l’introduction du bouddhisme en Chine sous les Han au 1er siècle après JC, en plus de la fonction cérémoniale d’audience, les tablettes prennent une fonction de support pour les textes bouddhiques. Ces deux fonctions cohabitent pendant plus de 1000 ans. C’est seulement à la fin de l’époque Ming que les sceptres prennent cette forme et fonction que l’on connait aujourd’hui comme le symbole de bon augure.
La forme du sceptre commence à changer dès le début Qing, il commence à imiter la forme du champignon d’immortalité « lingzhi » (灵芝) qui est le symbole de longévité et de bonheur, non seulement parce que les chinois lui attribuent les bienfaits de la résistance à la vie rude, mais aussi parce qu’il est très rare. C’est à partir de ce moment qu’on l’appelle « ruyi » qui en chinois veut dire « que vos souhaits se réalisent ». Le sceptre gagne rapidement en popularité et un grand nombre d’artistes sculpteurs en fabriquent dans toutes les matériaux : fer, argent, or, jade, bois, ivoire, bronze, émaux cloisonnés, bambou ou laque. On peut en trouver avec des décors ajourés ou incrustés de pierres précieuses, perles, nacre ou plumes de martin pêcheur. Les décors reprennent en général des motifs de bon augure, comme le cerf et le daim sous un pin, le dragon, les cinq chauves-souris, des carpes sortant des flots ou des symboles bouddhiques qui tous symbolisent les meilleurs vœux à la personne à qui le sceptre a été offert.
Sceptre « ruyi » en laque rouge à décor sculpté de rochers fleuris de pivoines et magnolia, fleur de pommier sauvage et chrysanthèmes. Chine, XVIII eme siècle. Long. 44 cm.
Sceptre « ruyi » en forme de lingzhi en néphrite céladon à décor sculpté en haut-relief de grappes de raisins dans leur feuillage, grues et pêches de longévité entourées de bambous et lingzhi. Chine, époque Qing. Long. 46 cm.
Sceptre « ruyi » en bronze et émaux cloisonnés à décor de caractères « shu » et chauves-souris. Chine, XVIIIe. L. 38,5 cm.
Sceptre ruyi en zitan à décor sculpté en relief d’un cerf sous les arbres dans un paysage montagneux au dessus des flots. Il est orné de trois plaques en néphrite céladon à décor sculpté et ajouré d’oiseaux parmi les lotus. Chine, XVIIIe. Long. 46,5 cm.
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